Dans son studio situé dans le 93, le Lundi de Pacques j’ai RDV avec l’Homme que l’on nomme Dj Cut Killer. Armé d’un stylo, de mon matériel et de mon carnet de route j’entre dans l’antre de l’artiste.
Cut m’accueille dans son studio, entre ses platines, ses multiples vinyles et CDs, nous nous installons et commencons l’interview. Bien calé, le Dj, car pour tous les plus jeunes qui nous lisent, Cut est Dj, le Dj le plus prolifique en terme de travaux : mix-tapes, compilations (Les incontournables Hip Hop Soul Party, les Cut Killer Show … les Street francais), les soirées, et party de part le monde …
Bref, voila pour un résumé (trop rapide), alors arrêtons nous plus sur la carrière de Cut – le plus grand dealer de cassettes mixées : (ci dessous le morceau de la Haine press Play et écoutez ce morceau anthologique)
Première question : tes débuts ?
“C’est simple, tu commences petit, gamin qui veux faire comme Dee Nasty (il y avait d’autres Djs comme Yellow…); mais c’était le Dj officiel, il était la référence, avec ses ambiances (…) forcément, tu vas au Globo, j’habitais juste à coté, je n’étais pas encore majeur, mais on arrivait à rentrer et donc du coup voir un mec qui arrivait à gérer son public, sa dextérité aux platines, faire en sorte de passer les sons qu’il faut, cela m’a tout de suite accaparé. Au début on dansait, il y avait une mouvance sur la zulu nation, autour du beat box, du rap, tu essayes de comprendre comment cela marche. Le principe de la rue existe depuis la nuit des temps : t’arrives et tu galères : t’es avec tes potes et tu attends que ça se passe, et dès que tu trouves un truc, quelque chose te permettant de te focaliser : sport, danse ou quelque chose d’artistique, c’était le tag, le graff à un moment donné, et le Djiing est devenue une passion : dès que j’arrivais en soirée, j’étais derrière Dee Nasty et je ne faisais que ca et du coup le monde du Djiing je l’ai connu comme cela en 87-88. Mais on est rentré bien évidement en 84 grâce à beaucoup de choses : les Enfants du rock (qui passait des reportages sur Afrika Bambatta Sugar Hill Gang...), il y avait quelque chose qui nous faisaient vibrer, on était issu de la Funk, de la Soul, dans les années 80, on ne pouvait pas échapper au pop rock, au new-wave, le hip-hop a fait que je me suis vraiment imprégné de cela, du coup, l’envie m’a pris à l’époque de IZB : quand on voulait je collectionnais des disques : j’ai économisé, et je travaillais après les cours; grace à ma mère j’ai acheté ma première platine, et le 31 décembre 1988, j’ai acheté ma 2ième et faire finalement notre première soirée du jour de l’an chez des potes. Ca a commencé comme ça. Mais tout de suite, je sais pas si j’ai acquis une dextérité, ou quelque chose d’assez intéressant, mais à force de voir Deenasty, pour moi c’était comme si j’avais un cours en direct, il n’y avait pas d’école de DJ HH, mais généraliste : j’allais tous les vendredi soir voir Deenasty et tous les matins à 5 heures du matin, je me mettais sur mes platines et je reproduisais.
J’ai vite appris, vu que j’avais une seule platine, un coup je la mettais à droite, un coup à gauche, je travaillais des deux mains, comme ça je pouvais avoir quelque chose de complet en terme de mixs. Mars 89 : 3 mois après le championnat de DJ DMC forcément, une semaine avant il y avait à Chatillon un Dj Mic : ce fut ma première performance devant un public, et je me rappellerai toujours, tout le monde était croque et Dee Nasty s’approche de moi, et me demande depuis combien de temps je suis Dj : je lui répond “3 mois” et il me dit “tu peux arrêter tes conneries…”. J’étais fier et assez content de la performance, mais assez décu que Deenasty pensait que je me foutais de sa gueule, c’était quand même le patron malgré tout je termine 3ième au DMC , il y avait Jimmy Jay 1ier et LBR 2ième.
Il y a eu plein de performances : les championnats de Dj étaient intéressants, en fait je ne sais pas pourquoi mais le concept des Dj francais veut que les Djs soient techniques vraiment techniques, peu importe si tu mixes en soirée ou autre, si tu n’as pas ce coté un petit peu spectacle et bien les gens te cataloguent tout de suite comme un “Dj bof”, si tu fais pas beaucoup de technique, et si tu en fais bien et des trucs assez énervés, on te catalogue comme un bon Dj : c’est vrai que DeeNasty nous a montré tout ca : mix/passe-passe (…). En France il fallait être un bon Dj technique, c’est pour ça qu’il y avait cette motivation de compétition : le 2ième championnat 90 j’ai foiré complètement avec un tirage au sort, et quand tu travaille 6-7 mois sur un show et que tu as envie de donner ton maximum et que tu te retrouve à passer en premier : le public est pas encore là, donc t’es pas motivé, j’ai fais un mauvais truc. Je me suis rattrapé en 91 : mais en 91 le drame : Cutee B est arrivé (rires…) et là … champion de france à chaque fois il gagnait, mais c’était motivant : je me rappelle qu’on s’entrainait ensemble : mais cela m’a permit de développer depuis 89, les premières après-midi IZB, les premières soirées Hip Hop à l’Aurée du Bois, ce qui nous a donné une envie d’aller encore plus loin en terme de soirée : forcément en 89 après le championnat de DMC en Angleterre, on se disait allons tous à New York en septembre, on est parti en bande : on a créé notre association IZB à la place de Incredible Zulu Boys, c’était “Intégration des Zones de Banlieux” et là j’ai compris ce que voulait dire DJ, c’est à partir de ce moment là que tu te dis quand même les Djs là bas ils ont quoi : y’en a plein déjà, il y a des têtes d’affiches mais il y a plusieurs manières de se promotionner :il y a la mixtape, il y a la radio quand tu as des émissions de radios : . il y a le concept de Turntablism (les Djs qui font les DMC), il y avait déjà ces 3 créneaux là : du coup de retour en France : enchainement sur la mixtape forcément c’est le truc qui va pour moi me permettre de me promotionner.
L’intégralité des débuts de Cut disponible au format audio : ci dessous (press play): (les autres extraient de l’interview peuvent être écouté plus tard …)
Plus d’infos sur Mr DeeNasty sur son site (officiel) : http://www.deenasty.com/deenasty.htm
Ainsi, le Djiing est un moyen de se promotionner :
D’où l’apparition de ton “appellation” “plus grand dealer de cassettes mixées”. Et tes premières mixtapes : les 2balls est-ce la première ?
” Non, Les 2ball c’était la numéro 13, avant on a fait 1-2-3 4, après j’ai mis Sté et Fabe sur la 5, sur la 6 Sléo, 7 c’était Sages Poètes de la Rue, 8 c’était Kamel et Alliance Ethnik, 9 c’était Too Leust; 10 c’était le combat sans fin 1ière partie d’IAM, a l’époque on voulait faire ça en 2 parties pour créer une ambiance, la 11, la 12 avec Lunatic, les 2Ball/Ma3, il y’en a eu plein d’autres … j’ai d’ailleurs gardé tous les originaux”.
C’est comme ça que Je me suis fais repéré en 94-95 par Universal, Stéphane Katchoroski s’occupait des compilations et me dit “on parle de toi, je te connais, ça serait bien qu’on fasse une mixtape en une compilation”. Je revenais des Etats-Unis, donc tu commences à parler de concept, de street-marketing, à chaque retour en France, c’était comme une grosse motivation, un bol d’air , ils font ca là bas, on essaye de monter double H, se créer des petites fringues(là bas c’était la tendance) ca a payé, a force de faire des allers retours, il y a des choses qui m’interpellaient : à l’époque avec Khéops, le truc qui m’avait interpeller : recevoir des disques chez toi, qui viennent des Etats-Unis : comment on peut être dans les fichier maisons de disques ? A ce moment là on parlait de mix-tape et tac Radio Nova est tombé, et Tac… et on fait l’émission de Radio Nova.
Le Cut Killer show et Nova :
Double HH : tu as créé Double H (les 2H de HipHop) avec East en 1995 : c’est quoi l’histoire ?
Avec East c’est une grande histoire, on a grandi par la passion du basket, on s’est connu en 1990-91 il était fan de rap, mais ne rappait pas encore, on est devenu un duo : déja sur les terrains de basket ;le fait de s’amuser dans un ambiance basket a fait qu’on est resté ami, à un point(…). Par ailleurs, on avait un ami commun : Mathieu Kassovitch, qui nous a demandé de venir jouer dans le film Métisse sur le terrain de basket (à regarder! Cut et East y jouent tous les deux). Ensuite, il a commencé à gratter: il était un taggeur(il était fan du concept de tag), et au moment ou je commence à bien percer au niveau des mix-tape, à la mix-tape 4, on était fan d’un artiste qui s’appelait Fabe (on trainait avec lui aussi), et du coup sur la 5 : on fait les premiers freestyles de mixtape : à l’époque sur la première mix-tape c’était Clyde et moi qui avions sorti les 1ieres mixtapes : je me rappelle chez Homecore (magasin aux Halles), Tikaret(avait pas encore ce concept), le magasin le plus Hip-Hop de France(à Stalingrad), Daniel de Tikaret ramenait tous les bons ingrédients pour être un bon rappeur (casquette, chaines en or, médaillons africain, double gouze…), Clyde a vite arretté : car je me rappelle avoir vendu 5 exemplaires de ma 1ière mixtape (rires) . Ca motive ou ca motive pas ! Là dans la dynamique, ca peut le faire, la numéro 2 j’en veut 15, la numéro 3, j’en vends 40-50……….la 5 ca explose, il y a des rappeurs francais, il y a un public pour ca, tu laches pas l’affaire, Radio Nova est arrivé à ce moment là. De fil en aiguille, on est obligé de rester ensemble : c’était mon Mc et j’étais son Dj : il rappait et la sur le nouveau site internet, on aura toutes ces ambiances là : j’ai des anciennes émissions de Nova que je vais remettre(1ière mixtape aussi) pour les nostalgiques qui pourront les télécharger. Il y a eu beaucoup de demande, beaucoup de gens nostalgiques. Le site internet va être assez complet (pour réécouter l’époque) : sur Eastwoo.net”.
As tu encore de “bons” morceaux de East ? “On nous a demandé, mais malheureusement on a fait avec ce qu’on pouvait et malheureusement, la particularité de East; (que j’apprendrais à mes dépends par la suite) c’est que lui quand il n’aime pas il me disait efface, donc du coup on efface, je ne me disait pas qu’il allait disparaitre un jour (on se dit pas ca)… on fait des trucs et voila… sur le maxi on a fait des ambiances de mix-tape il y a des trucs. Du coup pour répondre à ta question on a des trucs, mais de super mauvaise qualité qui sont impossibles à reprendre. Par contre, sur le site on va mettre les émissions et les différents freestyles avec East.”
Et le(s) morceau(x) avec IAM ?
“Le fait de vouloir faire un morceau avec IAM, c’était déja prévu dans nos têtes, mais c’est vrai qu’on a essayé de trouver une manière intéressante avec un accapella de créer quelque chose qui soit à l’image de East. Chill (Akhénaton) est aussi très proche de East comme moi, du coup du coup il voulait vraiment faire ce morceau dans l’école du micro d’argent : ce qui a donné l’enfer (morceau anthologique) et on a aussi fait les experts avec Chill et Jo, ce qui coulait de source : c’est deux projets sortis en parallèle : l’un à fait un million et l’autre un peu moins (rires)…” (l’extrait audio disponible dans le player (au dessus : East et Iam – Les experts et l’enfer)
Pour East, c’était son rève de poser avec IAM?
“Oui, ca parlait plus à East de poser avec IAM, plutôt que NTM, East est comme moi c’est un mec cool, il aime le rap réfléchi (rires), NTM est bien réfléchi, mais était plus virulent, moins dans le délire de East…
Tu as créé le projet Eastwoo avec Fabe, Iam, la Cliqua (entre autre): explique nous cela
C’est comme cela qu’il aurait voulu qu’on fasse le projet : en fait la discographie de East commence par Yellow, on a fait “here we come” un morceau en anglais et un morceau en francais, ce sont les deux seuls morceaux qu’on a : on était bien, parti dans un bon gros studio, c’était bien il y avait une bonne ambiance”.
Le site dédié à East (pour retrouver beaucoup de ses trésors) : http://www.eastwoo.net
on se retrouvera je serai à la prochaine étape … RIP…
Et Fabe dans tout ca?
“Fabe était signé chez Unik en Suisse, et on racheté le contrat ensuite. Fabe c’était quelqu’un qu’on estimait, la Scred se développait, on a lié d’amitié, ça coulait de source : on suivait ses deux albums(chez unik). J’ai fais un remix sur son 2ième album(sur un maxi) et puis j’ai fais des des scratchs, car c’est un artiste que j’estimais et travailler avec lui c’était attrayant, mais East n’était pas jaloux , on n’avait pas cette particularité d’être aigri, on faisait des trucs chacun de notre coté, il faisait des trucs sur Yellow, et moi je m’occupais de Fabe. Une fois que j’ai monté notre Label on est allé acheter son contrat : on a enchainé Détournement de son : c’était un de mes artistes préférés“.
T’as des nouvelles de lui : “Justement on en discutait avec Sako (rappeur membre des Chiens de Paille) : il avait discuté avec lui sur mon myspace, et le rap n’est apparamment plus son délire. Il voulait arrêter le rap car il ne trouvait plus son compte : il ne comprenait pas pourquoi à un moment donné ses albums qui pour lui étaient des projets aboutis ne pouvaient pas décoller dans les ventes : il a eu un succès d’estime, mais n’a pas explosé (…)”
Pour info, nous vous conseillons le blog de Fabe ou il écrit des choses sur son enfance et ce qui le marque : http://9mai1971.blogspot.com/
Notre Interview doit s’interrompre. Kery James est dans la place et Cut doit enregistrer son émission spéciale Kery James avant son départ pour l’Asie et sa nouvelle étape de sa tournée mondiale (on y reviendra) (ci-dessous une photo lors de l’enregistrement et des morceaux choisis de l’émission en video))
Ci dessous deux moments “live” de l’enregistrement du Cut Killer Show spécial Kery:


sisi RastaIam c dla bomb cette interview …ta plume a encore tout niké !
sisi
Continue ..longue vie au double H, a toi et au hip hop !
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